La révolution numérique en Afrique, marquée par la domination du mobile et la fracture numérique, a besoin de financements massifs pour les infrastructures et d’un écosystème d’accompagnement des start-up. Mais au DigiWorld Summit à Montpellier, Orange a aussi montré comment Orange Bank est née en Afrique et l’ambassadeur de la Smart Africa a vanté les opportunités d’un marché unique numérique…
« L’Afrique, c’est un relais de croissance pour les acteurs télécoms et Internet. L’accès à Internet, les usages, les revenus progressent« , assure Sophie Lubrano, directrice d’études du pôle télécoms d’IDATE DigiWorld. Les participants de la thématique Digital Africa du DigiWorld Summit ont souligné, le 16 novembre 2017 au Corum de Montpellier, que la numérisation de l’économie africaine est une « lame de fond » : l’usage avance grâce au déploiement de réseaux 3G/4G, la baisse du prix des smartphones et l’émergence de services innovants. Mais pour s’amplifier, la révolution numérique demande des financements massifs dans les infrastructures et la création d’un écosystème d’accompagnement et financement des start-up.
UN ACCÈS ENCORE LIMITÉ
Les opérateurs télécoms ont investi plus de 13 milliards d’euros dans les réseaux en Afrique en 2016, majoritairement dans le mobile. Outre les financements d’appui de la Banque mondiale et de la Banque africaine de développement (BAD), des partenariats public-privé se mettent en place. « Il y a une progression de l’accès au haut débit, essentiellement en cellulaire mais également en fibre jusqu’à l’abonné dans certaines zones. La lutte contre la fracture numérique est un enjeu très fort en Afrique, insiste Sophie Lubrano, la moitié du territoire n’est toujours pas couverte. »
Selon le DigiWorld Yearbook Afrique et Moyen-Orient, 1 Africain sur 5 a accès à Internet. Le trafic des données y a doublé entre 2015 et 2016. » Les opérateurs internationaux sont présents : les Européens Orange et Vodafone, l’Indien Bharti Airtel, le Chinois Huawei, relève Sophie Lubrano. La Chine soutient ses entreprises via la Bank of China. De leur côté, Google et Facebook testent des solutions alternatives, comme les drones ou les ballons… »
DES USAGES INNOVANTS VENUS D’AFRIQUE
Parmi les usages très développés, figure le mobile banking, le transfert d’argent sécurisé instantané de mobile à mobile, dont le succès s’explique par le faible taux de bancarisation. Pionnière en 2007, la plateforme de paiement mobile M-Pesa de l’opérateur kenyan Safaricom est utilisée régulièrement par 30 millions de personnes.
De son côté, Patrick Roussel, executive VP Mobile Financial Services pour le Moyen-Orient et l’Afrique d’Orange, a déroulé les statistiques d’Orange Money : « 110 millions d’utilisateurs dans 17 pays, 2 milliards d’euros de transactions en moyenne par mois. Les grandes entreprises l’utilisent pour payer les salaires, les habitants pour régler les impôts, l’école. Cela devient obligatoire dans certains pays pour payer la facture d’eau ou d’électricité« . C’est l’inspiration d’Orange Bank, lancée le 2 novembre en France. « L’Afrique a su innover avec ce service et l’exporter en Europe. »
SILICON SAVANNAH ET SMART AFRICA ALLIANCE
Côté start-up, la situation est contrastée. Un écosystème numérique a déjà surgi au Nigéria, Kenya – où se bâtit la Silicon Savannnah – et en Afrique du Sud, il est en construction en Afrique francophone et de l’Est. Sur les 367 millions de dollars de levées de fonds enregistrées par Partech Ventures en Afrique en 2016, 10 % alimentent les acteurs d’Afrique francophone. « Elle apparaît dans les radars« , commente M’Hamed Dalla, conseiller du ministère de la Communication, des technologies et de l’économie digitale de Tunisie. C’est « l’ambassadeur » de la Smart Africa, alliance de 18 Etats portant un « marché unique du numérique de 300 milliards de dollars » et devant accompagner les Etats dans leur transformation numérique. « Chaque pays développe une approche : le village intelligent au Niger, les drones au Rwanda, la cybersécurité en Côte d’Ivoire. La Tunisie veut être l’incubateur de l’économie numérique. Le numérique est perçu comme un rêve, un espoir par la jeunesse africaine, mais il manque un système d’accompagnement. La mortalité des start-up atteint 95 %. Nous travaillons sur un Start-up Act et un nouveau Code numérique. »
Pour soutenir PME et start-up, Céline Zapolsky, directrice du développement de l’éditeur de logiciels Linagora (qui a 35 personnes à Tunis), et Laurent Zylberberg, directeur des relations institutionnelles, internationales et européennes du groupe Caisse des Dépôts, appellent à la création de fonds d’investissement « plus fins ». De son côté, Jean-Marc Ferré, directeur programme de transformation chez Atos, souligne l’impact de la commande publique : « Nous sommes venus pour transformer le système d’information de la direction générale des finances publiques du Sénégal, pour le gouvernement du Sénégal. Nous sommes 300 aujourd’hui et nous ambitionnons d’être 2000 à Dakar d’ici deux ans. »
Cette évolution numérique du continent sera approfondie par IDATE DigiWorld : « Nous avons des ambitions africaines« , assure le directeur général Jacques Moulin. Une convention passée en octobre 2017 avec l’université Euro-Méditerranéenne de Fès au Maroc va mobiliser des étudiants – en particulier des étudiantes – sur des études spécifiques. « Nous travaillons sur la définition des thèmes, qui tourneront autour de l’inclusion du monde rural dans le digital, l’e-santé, l’e-agriculture, l’incubation…, ajoute Jacques Moulin. Nous projetons un événement au Maroc en janvier 2018. »
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